PIERRE LOTI, 14 janvier 1850 – 10 juin 1923, sa vie, son œuvre.

PIERRE  LOTI, 14 janvier 1850 – 10 juin 1923, sa vie, son œuvre.

Louis-Marie-Julien VIAUD, nait le 14 janvier 1850 à Rochefort-sur-mer, dans une famille protestante dont il est « le petit  dernier ». Son frère Gustave a 14 ans, sa sœur aînée Marie en a 19. Elle lui enseigne le dessin, tout deux s’adorent… L’école ne plaît guère à Julien, il suivra sa scolarité entouré de précepteurs. Il admire aussi Gustave qui devient son modèle, son héros, surtout lorsqu’il s’en va courir le monde comme « chirurgien de  marine » ; s’en suivra, entre eux, une longue correspondance. 

1865 - Après la mort de Gustave dans l’Océan Indien et de graves ennuis, la famille, ruinée, est amenée à vendre en 1866, les maisons de Rochefort et de l’Ile d’Oléron. Julien a 16 ans 1/2 et quitte pour la première fois et pour longtemps sa famille.

Il arrive à Paris, s’inscrit au Lycée Napoléon (aujourd’hui Henri IV) pour préparer le concours de l’Ecole Navale. Il n’a pas d’amis, se sent très seul ; alors il prend pour confident de ses pensées, un petit cahier, véritable début du journal qu’il tiendra avec régularité pendant plus d’un demi siècle.

1867 - Brillant élève, supérieurement doué, Julien est reçu à Navale. Il embarque sur le « Borda », vaisseau-école à Brest. Puis va se dérouler une carrière d’officier de marine assez classique au début, et de moins en moins ordinaire au fur et à mesure de ses quarante-deux années de service.

1870 – 8 juin, mort de Jean-Théodore Viaud, son père. 8 août, embarquement sur le Decrès pour la guerre en Manche, mer du Nord, Baltique.

1871 – Julien, désormais majeur, rachète la maison familiale ce qui l’oblige à s’endetter jusqu’en 1880.
En mars, il embarque pour l’Atlantique, le Détroit de Magellan, le Pacifique...

1872 : l’Ile de Pâques d’où il rapporte de nombreux dessins et un récit, se passionnant pour les indigènes locaux (les Pascouans). Puis ce sera Tahiti où les vahinés le baptisent Loti, du nom d’une fleur qui ressemble au laurier rose. Partout où il passera, il entre en contact avec la population, apprend la langue, prend des notes, dessine. Il a vite compris que ses dessins et illustrations plaisaient énormément au public et à tous les connaisseurs : leur vente   l’aide à sauver la maison familiale de Rochefort.
Mais l’heure n’est pas encore venue de transformer ses notes et son journal intime en livres romancés.

1873 – De retour à Rochefort pour quelques mois, il est nommé enseigne de vaisseau.
En juin, il embarque pour la campagne du Sénégal. C’est là qu’il va vivre une aventure sentimentale tragique qui le marquera à jamais. De retour en France il demande et obtient un nouveau congé.

1874 - En octobre, il voyage à Genève pour revoir la femme de St Louis du Sénégal et son fils présumé. Echec.

1875 – Il est mis en congé pour effectuer un stage de six moins à l’Ecole de gymnastique de Joinville.

1876  - En avril, il s’exhibe dans le Cirque Etrusque de Toulon : il y fait le clown, galope debout sur un cheval, saute à travers des cerceaux, fait des sauts périlleux. Le public l’applaudit. La Marine, décidément  indulgente, laisse faire cet enseigne de vaisseau atypique.

En mai, c’est le départ de Toulon pour Athènes, Salonique, où il rencontre Hakidjé qui le rejoindra en décembre à Constantinople. La vie orientale le séduit, il loue une maison à Eyoub, le vieux quartier musulman. Il écrit, dessine, fait des reportages, vit un grand amour.   

1877 – Le 8 mai, il est de retour à Toulon, puis Rochefort, Lorient, Brest, c’est la découverte de la Bretagne.

1878 – Il est à Paris et fréquente le milieu artistique, notamment Sarah Bernhardt.

1879 - Paraît Aziyadé – Stamboul 1876-1877 (anonyme). Cette histoire est un roman d’amour pour une femme, pour une ville, pour tout un peuple. Déjà : l’exotisme, lié à l’érotisme, comme dans les œuvres à venir.
La publication de ce premier roman représente une source de revenus, s’ajoutant à sa solde et aux paiements de ses dessins. 

1880 – Campagne en Méditerranée donnant matière à des reportages publiés dans le Monde Illustré, signés Pierre Loti. En mars – Publication : Le mariage de Loti – Rarahu  ( par l’auteur d’Aziyadé ) Idylle polynésienne, son premier vrai succès ce qui lui permet de se libérer de sa dette et de commencer à transformer la maison de Rochefort, ce qu’il fera à chacun de ses retours de voyages : une chambre arabe, une salle turque….
La ville de Rochefort achètera en 1969 cette maison qui deviendra musée puis Monument Historique.(réouverture prévue, après rénovation en 2024)

1881 - Il publie, sous le nom de Pierre Loti, le Roman d’un Spahi après avoir été nommé Lieutenant de Vaisseau,

1882 -Il rencontre à Brest une jeune bretonne qu’il tente d’épouser en vain.
Et publie en novembre   Fleurs d’ennuis .

1883 - c’est la campagne du Tonkin ; Loti publie trois articles dans le Figaro pour dénoncer les massacres : scandale, il est rappelé en métropole et publie, en octobre, Mon Frère Yves. 
Sa renommée croissante, il a déjà à Paris des amis puissants.

1884 – octobre - paraît : Les Trois Dames de la Kasbah.

1885 - nouvel embarquement pour l’extrême orient : Nagasaki.

1886 - Pierre Loti rentre en France et constate à quel point il est célèbre, reconnu par le milieu littéraire et le public, envié par certains auteurs et jalousé par quelques officiers de marine.

A trente-six ans, même si les conquêtes féminines ont été nombreuses et variées, il est toujours célibataire ; et ce n’est pas faute de lui avoir présenté des futures… Sa mère se désole. Enfin, on lui « déniche » une jeune-fille de 27 ans, Blanche Franc de Ferrière, de bonne famille, protestante, et suffisamment petite – ce qui était très important pour lui. Le mariage a lieu à Bordeaux le 21 octobre 1886 au Temple des Chartrons.

 Sacha Guitry écrira plus tard :

« L’homme était marié. L’officier l’était moins. Loti ne l’était pas. »

Blanche se montre douce et gentille, intelligente, compréhensive ; on verra oh combien ! Par la suite.
En juin, paraît Pêcheur d’Islande .

1887- En septembre-octobre, il prend un congé pour voyager en Roumanie auprès de la reine Elisabeth, sa traductrice, et à Constantinople où il apprend la mort d’Hakidjé et se rend sur sa tombe.
En juin, paraît Propos d’exil.
En novembre, paraît Madame Chrysanthème ; dont on sait que, de ce roman, sera tiré le livret du célèbre opéra Madame Butterfly.

1889 - En mars, naissance de son fils Samuel et paraît Japoneries d’automne.
En avril-mai, il part en mission officielle au Maroc.

1890 - En janvier, paraît Au Maroc.
En avril-mai, il effectue un nouveau séjour à Bucarest et à Constantinople.
En mai il publie Le Roman d’un enfant qu’il dédie à la reine Elisabeth de Roumanie, sa grande amie depuis de nombreuses années : « de qui me vient l’idée de l’écrire» et qui lui inspirera plus tard son roman Une Exilée.

1891 - Alors qu’il est en Méditerranée, sur le Formidable, il est élu, en mai, à l’Académie française (à sa seconde tentative et au siège n°13, le siège de Racine)
En juillet, paraît Le Livre de la Pitié et de la Mort
En novembre, paraît L’Oeuvre de Pen-Bron, près Le Croisic.

1892 - En février, paraît Fantôme d’Orient, en mars, Constantinople, en avril Matelot.
Le 7 avril : Réception à l’Académie (Discours de réception à l’Académie française)
Dès lors, sa popularité est immense.

En décembre, il est affecté à Hendaye.

Comme chaque fois, dans un pays nouveau, il veut le connaître à fond ; il l’aime avec passion, le parcourt, rencontre les gens. Il noue alors des amitiés royales comme avec la reine Nathalie de Serbie, en exil à Biarritz,    , ou comme avec la reine Cristina d’Espagne, mère du futur roi Alphonse XIII, qu’il rencontre à Saint Sébastien à plusieurs reprises. Celle-ci l’aidera dans sa recherche d’une belle basquaise, jeune, saine, avec la promesse, comme il est devenu riche, de l’entretenir avec largesse jusqu’à sa mort ainsi que les enfants nés de cette union sans mariage. Il faut enfin qu’elle accepte d’aller vivre à Rochefort.

1893 - C’est la rencontre avec Crucita Gainza, la basquaise de la route d’Irun.
En février, paraît Une exilée et l’adaptation théâtrale de Pêcheur d’Islande
En septembre, La grotte d’Isturitz.

1894 - En février-mai, il effectue un voyage privé en Terre Sainte.
A la suite de quoi, il s’installe dans la maison d’Hendaye (« Bakhar-Etchea ») qu’il achètera en 1904.
Le 1er septembre, il installe Crucita à Rochefort à quelques centaines de mètres de son foyer légitime. Elle lui donnera trois garçons. Léo, le plus jeune mourra en bas-âge, Raymond, officier de marine marchande, meurt à 31 ans et Edmond, Lieutenant-Colonnel, qui eut deux filles, meurt en 1975.
Il se montra « bon père » aussi bien pour Raymond, Edmond et Samuel, même si, dans les dernières années de sa vie, il se rapproche de ce dernier, écrivant dans son Journal Intime : mon fils est devenu « ma seule raison de vivre ».

1895 - A mesure que sa renommée et sa fortune s’accroissent, la maison de Rochefort aussi. Il achète une maison mitoyenne et en 1897 une autre. Devenu immensément riche grâce au succès de ses livres, connu dans le monde entier, reçu par les plus grands de ce monde (rois, reines, tsar, présidents, chefs d’état, ambassadeurs…) sa maison devient ce petit palais magique, peut-être son oeuvre la plus originale ; traduisant ses goûts et ses fantasmes, où se déroulent des fêtes grandioses donnant corps à ses vertiges exotiques et où le Tout-Paris accourra.
Ce qui, lors de ses voyages, ne l’empêche pas de fréquenter les bouges, les tavernes à matelots. 
En janvier, il publie Le Désert, en mars, Jérusalem et en octobre, La Galilée.

Le 10 novembre 1896, meurt Nadine Viaud. Loti portait à sa mère une véritable vénération. Dans le roman d’un enfant, ne dit-il pas : « Ma mère est la seule au monde de qui je n’ai pas le sentiment que la mort me séparera pour jamais »

1897 - En avril paraît Ramuntcho, immense succès. En novembre, Figures et choses qui passaient.

1898 - Il est mis à la retraite d’office mais obtient d’être réintégré en 1900 et promu capitaine de frégate. 
En mars, il publie L’Ile du rêve, en novembre, Judith Renaudin (théâtre), en décembre, La Chanson des vieux époux.

1899 - En mai, paraît Reflets sur la sombre route.
En novembre, il voyage pour le ministère des affaires étrangères en Indes et en Perse jusqu’en juin 1900, à la suite de quoi il part en campagne en Extrême-Orient sur le Redoutable (révolte des Boxers en Chine).

1902 – De retour de Chine, paraît en février Les Derniers Jours de Pékin.
A la cinquantaine, il parle une dizaine de langues, voit tout, s’intéresse à tout, organise ses célèbres fêtes à Rochefort, vit sa vie basque à Hendaye, écrit de nombreux romans…

1903Mars, paraît l’Inde. 

1903 à 1905 – En route pour Constantinople sur le Vautour pour son dernier commandement.
C’est dans ce long séjour sur le Bosphore qu’il écrit Les Désenchantées, livre sur la condition de la femme turque qui paraîtra en 1906.

1904 - Mars, il est à Ispahan. 
En novembre paraît la traduction du Roi Lear de Shakespeare.

1905 – 1906 – A son retour, il occupe le poste de Commandant du Dépôt de Rochefort.
En avril, paraît La Troisième Jeunesse de Madame Prune.
En août 1906 – Il est nommé Capitaine de Vaisseau.

1907 de janvier à mai – Voyage privé en Egypte et en Arabie ce qui l’inspirera pour La mort de Philéa. 
En août, sa carrière de marin est cette fois terminée mais ses voyages se poursuivent à travers le monde :
Londres, la Turquie toujours, les Etats-Unis….

1908 – Paraît l’adaptation théâtrale de Ramuntcho.

1909 – En janvier – paraît La mort de Philéa.
Voyage officiel à Londres tandis que sa femme se retire en Dordogne. Elle mourra en 1940.

1910 – En août, à 60 ans, après 42 années de service dont 12 en mer, le Commandant Viaud, devenu Pierre Loti pour le monde entier, est mis à la retraite. Il continue à publier.

1911 La Fille du Ciel (théâtre)

1912Un Pèlerin d’Angkor.

1913Turquie agonisante.
Le 25 avril à lieu le Gala Pierre Loti en son hommage.

1914 – Loti veut reprendre du service tant et si bien qu’il est nommé, en septembre, Agent de Liaison de Galliéni.

1915 – Il est nommé à l’état major des armées de Champagne et entre en négociations avec la Turquie, devenue notre ennemie, ce qu’il déplore.
En juillet, paraît La Grande Barbarie.
En octobre, paraît A Soissons.

1916 – En juillet paraît La Hyène enragée. Autant d’oeuvres inspirées par la Grande Guerre.
Nommé à l’état-major des armées de l’Est, Pétain refuse de le laisser venir à Verdun.

1917 – Le 29 juin, il effectue son baptême de l’air sur le front, puis part en mission en Italie tout en faisant publier en Mars : Quelques aspects du vertige mondial.
En juillet : L’Outrage des barbares.

1918 – Démobilisé le 1er juin, il reçoit la Croix de Guerre à l’ordre de l’armée et publie Court intermède de charme au milieu de l’horreur, et en août L’Horreur allemande.
Il abandonne maintenant la rédaction du Journal Intime qu’il tenait depuis 50 ans.

1919 – Il tente de nouvelles actions en faveur de la Turquie et de Mustapha Kemal ; tandis que paraît en janvier - Les Massacres d’Arménie – Les alliers qu’il nous faudrait - en juillet – Mon premier grand chagrin - en décembre – Prime jeunesse.

1920 - Malgré des soucis de santé croissants paraît, en septembre, La mort de notre chère France en Orient.

1921 – Un premier AVC le laisse hémiplégique.
Mais, en collaboration avec son fils Samuel, il écrit Suprêmes visions d’Orient qui paraît en septembre.
Et il a le bonheur de connaître son premier petit-fils : Pierre (fils de Samuel).    

Le 10 juin 1923, Pierre Loti s’éteint dans sa maison Bakharetchea à Hendaye qu’il avait voulu revoir.

Il est mort en pleine gloire, le monde entier connaissait son nom ; beaucoup d’hommes et de femmes l’avait lu et aimé. C’est un privilège rare puisque tant de génies ne sont reconnus qu’après leur mort.
Loti, un génie de l’écriture, certes, mais pour tenter de mieux comprendre l’homme, voici dans cette longue biographie et bibliographie de ses œuvres, d’autres citations propres à lever le voile :

«C’est peut-être cela qui est la plus terrifiante de nos notions positives : savoir qu’il y aura un dernier de tout, non seulement un dernier temple, un dernier prêtre, mais aussi une dernière naissance d’enfant humain, un dernier lever de soleil, un dernier jour … » (La mort de Philaé)

 «Je m’en vais sans avoir compris le pourquoi mystérieux de tous ces mirages de l’enfance […] Alors, vraiment, ce n’était que ça le monde, ce n’était que ça la vie. » (ses dernière paroles).

Après des funérailles nationales, le 12 juin à Rochefort, il est enterré le 16 juin dans le jardin de la « maison des aïeules » refuge de son enfance à St Pierre d’Oléron.

Mais si l’on veut percer plus encore le mystère de « l’homme aux cent visages » c’est sur la lecture de son œuvre posthume qu’il faut se pencher :

1923 – En juillet - Un jeune officier pauvre  (en collaboration avec son fils : fragments de journal intime 1870-1878). A la suite de quoi, son fils Samuel publiera en deux parties son Journal intime.

1925 – en juillet - Journal intime (1878-1881)

1929 – en janvier - Journal intime (1882-1885)                                       

                                                                                                                                 LEHENGOA

Sources :

 Bruno Vercier – Préface, Bibliographie, Chronologie et notes d’Aziyadé (Pierre Loti) édition GF Flammarion – (octobre 1989)

Yves la Prairie – Le vrai visage de Pierre Loti – éditions L’Ancre de Marine (1995)

Marie Lescure – Présentation de Le Roman d’un enfant (Pierre Loti) – Collection Classiques & Contemporains – éditions Magnard (2000)

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